« Nos marges de manœuvre sont fortement restreintes car l’Etat impose une dégradation de notre situation financière ».
A quoi doit-on évaluer un budget municipal ? Un « bon » budget c’est d’abord un budget qui est en capacité de répondre aux besoins des dionysiens et dionysiennes, c’est-à-dire un budget qui soit en mesure d’assurer un bon niveau de services rendus à la population. Un budget qui permette d’investir et de faire face aux enjeux qui traversent notre territoire. Ces enjeux on les connaît :
-une formidable dynamique, puisque la population a augmenté de 13% en 10 ans. Nous serons très bientôt la 2nd ville d’Ile-de-France.
-mais c’est aussi faire face aux effets dramatiques de 40 ans de politiques néolibérales : un taux de chômage et un taux de pauvreté élevés, des inégalités entre les plus riches et les plus pauvres qui se creusent au sein même du territoire.
Oui nous sommes une ville qui abrite, non pas les « gens de rien » comme dit Macron, mais les petites gens ceux qui font les richesses de pays mais qui n’en voit que rarement les fruits.
On peut discuter ce budget en détail et contester certains choix, en préférer d’autres, mais pour une bonne partie il répond à ces exigences, il conserve un périmètre de service public important.
Ça n’empêche pas de considérer que la situation est critique et que donc notre logiciel et nos pratiques politiques vont devoir radicalement changer dans les années à venir.
La situation est critique, non parce qu’on serait trop dispendieux au regard de la croissance de la ville, mais bien parce que l’Etat nous met la corde au cou et que chaque année il tire un peu plus dessus.
à D’abord, en baissant drastiquement ses dotations. Un chiffre pour bien s’en rendre compte : entre 2014 et aujourd’hui, l’Etat a diminué l’aide pour chaque habitant de 30 euros (de 250 à 220 euros). Au moment où on nous assène de grands mots sur la « Reconquête Républicaine » des quartiers populaires, nous avons perdu 30 euros de l’Etat par dionysien et dionysienne. Nous sommes face à un Etat déserteur qui trahit la promesse républicaine d’égalité.
De ce fait, les autres recettes ne permettent pas de compenser cette désertion et chaque année, le budget municipal par dionysien est un peu plus rogné de quelques euros. C’est ça en moins pour la redistribution et l’investissement dans les services rendus à la population.
à Ensuite, avec la contractualisation, les dépenses sont hyper contraintes. La contractualisation c’est le cheval de Troie de la casse des services publics municipaux et c’est pourquoi nous nous y sommes opposés avec les élus REVE Insoumis. Concrètement, nous allons devoir moins investir que ce dont nous aurions besoin pour maintenir des services publics de qualité.
Pas plus que fixer un taux de déficit public des Etats à 3% du PIB n’a de sens, fixer un % de dépenses (1,35%) sans rapport avec la croissance démographique de la ville, sans rapport avec les besoins réels des habitants n’a de sens si ce n’est celui de nous enfermer dans la cage de fer du libéralisme qui détruit l’idée même de service public. On en voit aujourd’hui les effets partout en Europe et c’est un désastre humain… Et c’est précisément contre ces injustices sociales, fiscales, écologiques que se lève le mouvement des gilets jaunes.
à Enfin, il nous empêche de ne pas recourir à l’emprunt et l’endettement.
De ce fait, nos marges de manœuvre sont fortement restreintes car l’Etat impose une dégradation de notre situation financière.
Le recrutement de personnels est ainsi déjà limité (+0,2% de la dit « masse salariale ») alors que l’augmentation de la population et donc qu’il faut assurer des services publics pour plus de monde. Comment recruter dans ces conditions, les personnels qui travailleront dans et pour les écoles que nous allons devoir construire ? Comment recruter les personnels permettant de lutter contre l’insalubrité, qui concerne au moins 1450 logements à Saint-Denis ? Etc.
Dans cette situation, inquiétante pour les dionysiens et dionysiennes, je ne peux que regretter la posture des élus du Parti Socialiste. Vous pleurez et vous vous opposez, à juste titre, sur la démission de l’Etat quand vous siégez au Conseil Départemental, mais vous ne voyez plus rien et ne dites plus rien de cet état de fait quand vous êtes siégez dans ce conseil. Bien que surement malgré vous, après avoir collaboré à l’austérité à la mode Hollandaise et au détricotage des droits façon Valls, ne devenez pas les idiots utiles du Macronisme. Nous avons besoin de vous pour bien autre chose que cela.
Vous avez raison d’être exigeants avec la majorité municipale et de lui demander si chaque euro dépensé est bien utile à chaque dionysien. Vous êtes dans votre rôle et dans votre droit de ne pas partager tout les choix de la majorité. Ceci implique un débat et une réflexion collective qui j’en suis sûr est profitable à tous les dionysiens. De même qu’au sein de la majorité, le débat existe et que nous ne partageons pas tous les choix du groupe PCF comme par exemple sur l’augmentation des tarifs de stationnement ou sur l’argent dépensé en vain avec la vidéoprotection.
Avec le groupe REVE Insoumis, vous devriez être plus exigeant avec le Maire quant à l’organisation de la résistance à l’austérité avec et pour les dionysiens ; résistance au sein de laquelle vous avez tout votre rôle à jouer, sans pour autant que ça ne signifie que vous en partager l’ensemble des choix.
Mais être aveugle au rouleau compresseur néolibéral qui vient de Macron et à la mise en place méthodique d’une politique qui asphyxie les services publics et condamne toute politique de redistribution, c’est malheureusement rester dans une posture politicienne. Politique qui vous conduit quand vous êtes au Conseil Départemental, j’imagine ou du moins je l’espère contre vos propres valeurs, à dégrader et restreindre l’offre de service public comme on le voit en ce moment avec la fermeture de la Farandole. Vous voyez bien qu’ici, même sous la menace de l’Etat, nous n’en sommes pas encore au stade de rogner sur la prise en charge éducative de nos enfants.
Au contraire, plusieurs dispositifs de ce budget, que nous avons défendu avec mes collègues du groupe REVE-INSOUMIS, constituent des points d’appui pour s’opposer à la politique du gouvernement de casse des services publics mais aussi à la compression des revenus imposés aux habitants.
Ainsi, quand l’Etat augmente les frais d’inscription des étudiants étrangers et français, nous faisons l’effort d’augmenter le nombre de bourses étudiantes de 75 à 100. Quand l’Etat rogne sur les budgets dédiés aux clubs sportifs, nous mettons en place Atout Sport, une aide financière pour l’inscription sportive, afin d’encourager les jeunes à pratiquer une activité sportive. Ainsi, nous tentons avec nos moyens de redonner du pouvoir d’achat ; considérant c’est aussi redonner du pouvoir d’agir et soutenir l’émancipation individuelle et collective par les études, la culture et le sport.
Pour ma part, je considère que notre rôle d’élus et de municipalité ce n’est pas de « protéger » les habitants comme je l’entends parfois, même au sein de la majorité. Nous sommes pas des chefs de bande et les dionysiens ne sont pas des enfants qu’il s’agit de « protéger ». Je conçois la municipalité et son budget comme un « bouclier ». Un bouclier ça pare les mauvais coups, ça s’oppose, ça repousse nos adversaires. Chez « nos ancêtres les gaulois » comme diraient certains, le bouclier était même une arme offensive visant à donner des coups, ce qu’on appelait « l’escrime gauloise ».
La municipalité, son budget, nos services publics doivent donc être à la disposition des dionysiens pour s’opposer aux mauvais coups. Les services publics c’est la propriété de ceux et celles qui n’ont en ont pas, qui n’ont pas de patrimoine. Le fer de lance des services publics, notre premier bouclier, ce sont les agents municipaux. A ce titre, il est impensable et inacceptable de dégrader leurs conditions de vie et de travail. Pour mener la guerre, on ne commence pas par déshabiller et désarmer les soldats du front. Je le dis tranquillement à mes amis de la majorité, vous faites fausse route avec les chauffeurs de car municipaux. (Vincent ajoute une phrase).
Contrairement aux sottises de toutes ces institutions qui comme la Cour des comptes répètent en boucle que les agents sont un « coût », une « masse », « une charge », nous devons le redire avec force ce sont des ressources et des richesses pour les dionysiens et dionysiennes. Et nous devons les traiter comme tel. D’ailleurs les études et les recherches rigoureuses nous le montrent, notamment en matière d’absentéisme. Je voudrai à ce titre citer la conclusion d’une excellente enquête réalisée par le service des études de la Ville de Saint-Denis que je salue au passage :
« Quand la reconnaissance du travail réel n’est pas au rendez-vous, ce sont les agents qui tombent malades. Quand se mettent en place des dispositifs de reconnaissance du travail réel (…) alors la souffrance est surmontée, offrant de nouvelles voies à la créativité dans le travail réel. Reconnaître le travail réel, c’est permettre que la créativité se développe au service de la mairie, des administrés. Quand on entreprend ce cheminement, on obtient des résultats ».
Ainsi, et alors qu’il y avait déjà eu une grève importante dans les services municipaux il y a deux ans, nous avons à changer de cap et à travailler différemment avec les personnels.
Comme je le disais, faire bouclier c’est aussi résister à l’air du temps néolibéral qui distille un prêt à penser contraire aux intérêts des classes populaires. De ce point de vue, je ne partage pas ce que dit le rapport voté ce soir sur l’empressement à se conformer en tout point aux préconisations de la Cour des Comptes en matière de réduction des dépenses et de facto des services rendus à la population. La Cour joue depuis plusieurs années ce rôle qui sous des airs de neutralité technique distille ce venin qui consiste à imposer l’alpha et l’oméga de l’action publique c’est la réduction des dépenses, des emprunts et des recettes… bref la disparition de la puissance publique comme puissance visant à travailler à l’égalité de tous là où le marché impose la confiscation des richesses par quelques uns au détriment du plus grand nombre.
Ayons en tête que c’est la Cour des Comptes qui a proposé au gouvernement Macron de multiplier les frais d’inscription des étudiants étrangers par 16. Doit-on suivre le pyromane quand on veut éteindre le feu. Je ne le crois pas.
Alors, oui nous devons être exigeants et rigoureux, quitte parfois à réduire certaines dépenses discutables, car la population nous demande la sobriété. Mais entend-on les dionysiens demander la réduction des services publics communaux ? C’est tout le contraire. C’est tout le contraire car justement notre rôle de bouclier nous impose de défendre et promouvoir les services à la population chaque fois que l’Etat y renonce.
Je voudrais citer 2 domaines d’interventions qui constitue des enjeux centraux pour notre territoire et sur lesquels il va falloir changer la donne.
à D’abord, le soutien à la jeunesse et aux enfants. La part des moins de 5 ans est de 11% à Saint-Denis quand elle de 7% en France. Entre 2010 et aujourd’hui, nous aurons en plus presque 1000 gamins de moins de 15 ans, soit aujourd’hui plus de 26 000 jeunes. Dans une ville de taille équivalente comme Boulogne-Billancourt, cette progression du nombre d’enfants est quasi de 0. Quand on voit qu’une ville comme Paris perd des habitants et vieilli, c’est une richesse et la marque d’un dynamisme sans commune mesure avec ce qui se passe ailleurs.
Mais c’est aussi un enjeu majeur. Nous le savons les études le montrent, les inégalités de destin se creusent et se construisent dès le plus jeune âge. Macron vient de rendre l’école obligatoire dès 3 ans. Très bien, même si de facto l’écrasante majorité des gamins y allait déjà. Mais avec quels moyens ? La seule chose que nous savons c’est que désormais il faudra que la commune finance aussi les écoles privées maternelles. Et pour les écoles publiques ? La France est un des pays en Europe où la dépense publique par élève de maternelle est la moins élevée et où nombre d’enfants par encadrants est le plus élevé (deux fois plus qu’en Allemagne par exemple). Ça impacte négativement les résultats scolaires de nos enfants. Qu’est-ce que ça veut dire pour nous en tant que municipalité ? Qu’il sera crucial à l’avenir de renforcer ce taux d’encadrement des enfants par des adultes. Qu’il faut se fixer l’objectif d’une ATSEM par classe de maternelle. Renforcer l’encadrement c’est améliorer la qualité des interactions entre professionnels et enfants, au niveau individuel comme collectif, c’est permettre aux professionnels de nouer des relations plus personnalisées avec les enfants. C’est aussi améliorer la qualité des conditions de travail des agents. Les études le montrent le bénéfice de classes à effectifs plus réduits sont plus grand pour les enfants issus de milieux populaires. Les parents et les personnels ne s’y trompent et nous ont demandé cet effort. Actuellement, nous couvrons difficilement 1 ATSEM par classe de petite section. C’est trop peu et la réduction de la stagnation de la masse salariale si elle satisfait le ministère des Finances et la Cour des comptes est un frein pour conduire une politique ambitieuse en direction des enfants de Saint-Denis. C’est un chantier et une bataille à ouvrir rapidement.
Transition écologique : passage à insérer en utilisant la note d’Alexandre et la déclaration de Vassalo. Green New Deal.
Ces questions sont des enjeux pour les dionysiens et dionysiennes. Et ils ont déjà commencé à se battre dessus à travers les parents d’élèves mobilisés, les associations de riverains et écologiques qui se battent pour l’enfouissement de l’A1, pour la préservation du parc de la Courneuve, pour lutter contre les pollutions liées aux infrastructures autoroutières.
Et la municipalité se doit de faire « bouclier » avec ces dionysiens actifs et mobilisés. De ce point de vue, nous avons à enclencher une tout autre manière de faire pour construire un rapport de force et obtenir de l’Etat ce qu’il nous doit.
Trop de dionysiens ont l’impression que nous les soutenons « mollement » dans ces combats. Trop de dionysiens ont l’impression que leur participation n’est pas désirée. Je l’ai déjà dit, je regrette que nous n’ayons pas mis à profit la mobilisation en cours des Gilets Jaunes pour travailler avec les habitants sur ce budget et pour demander des comptes à l’Etat. Une brèche s’est ouverte mais la municipalité reste timide. Ce que fait le maire de Stains, Azzedine Taibi, avec des résultats doit par exemple nous servir d’exemple.
Concrètement ça veut dire d’abord être ferme pour faire respecter à l’Etat sa promesse d’égalité républicaine et donner aux dionysiens ce qu’il nous doit. Je dis bien ce qu’il nous doit : car contrairement aux légendes médiatiques, l’Etat ne donne pas aux dionysiens ce qu’il donne aux autres citoyens. Ce n’est pas moi qui le dit mais le Défenseur des droits en matière d’éducation et plus récemment un rapport parlementaire sur le 93.
Nous avons à nous faire respecter et il faut le dire haut et fort, notamment par des actions. Saint-Denis n’est pas un territoire pauvre. Il y a des pauvres mais le territoire est suffisamment attractif pour que certains viennent y faire du profit. Pour rappel, le 93 et à commencer par la Plaine, le chiffre d’affaire déclaré par les entreprises (162 milliards d’euros) en font le 3ème département contributeur national de la TVA. Les différents projets urbains liés au JO prévoit 12 à 15 milliards d’investissement sur le territoire de Plaine Commune.
Cet argent doit bénéficier aux dionysiens et dionysiennes. Il doit se transformer en services publics, en emplois et en ressources financières. Mais nous le savons le ruissellement ne se fera pas naturellement. Si nous ne nous battons pas pied et à pied. De ce point de vue, nous aurons à taper du point sur la table en direction de l’Etat, du CIO et des grandes entreprises.
Pour construire ce rapport de force, nous avons besoin de travailler main dans la main avec la population. Le mécano des petites consultations ne fonctionne plus. Plus personne n’y croit. Les dionysiens et dionysiennes nous le font remonter. Il n’y a pas à se méfier des habitants et des habitants, même quand ils nous interpellent vertement et qu’ils se montrent turbulents. Au contraire, il faut faire avec eux et profiter de leur énergie. Concrètement, ça implique de concevoir cette municipalité et ses moyens comme étant au service des luttes des habitants. Ça implique également de repenser de font en comble les décisifs dévoyés de la participation des habitants. Il ne s’agit plus seulement de consulter mais de faire décider. Il s’agit encore de donner les moyens aux dionysiens de pouvoir soumettre à tous les habitants des propositions et des demandes. Il s’agit de renouer avec des dispositifs comme le référendum sur le droit de vote des étrangers. Quitte pour cela à désobéir. C’est d’ailleurs une des leçons du mouvement des gilets jaunes.
La grandeur de Saint-Denis, ce sont nos combats communs et tout ce qui fait de nous une communauté humaine solidaire, un communauté d’égaux. Ce sont ces grands communs qu’il s’agit de défendre et plus encore de reconquérir.
Bally BAGAYOKO
Maire Adjoint Saint-Denis