[#Conseil territorial de Plaine Commune – 19 décembre 2017
Intervention de la Coordination des Collectifs Eau Publique de Plaine Commune, que je salue. Bally BAGAYOKO]
« Monsieur le Président,
La Coordination des Collectifs Eau Publique de Plaine Commune tient tout d’abord à vous remercier de nous donner la parole, lors de ce conseil territorial.
Nous remercions aussi toutes les personnes qui se mobilisent sur cette question, au travers des collectifs citoyens des villes. Elles sont venues écouter, questionner et discuter, car n’en doutez pas, la question de l’eau les intéresse et n’a pas fini de les intéresser, même si les résultats sont à échéance de 5 ans minimum.
Nos collectifs s’inscrivent désormais dans la durée.
Il faut reconnaître que la relation de travail entre vous et nous est encore en phase de construction et qu’elle doit pouvoir se développer. Nous voudrions du reste, remercier chaleureusement les équipes municipales et leurs maires pour ce travail en collaboration avec les citoyens et la prise en compte de leur point de vue. Nous considérons ce moratoire comme une avancée importante que nous ne pouvions pas espérer lorsque nous avons commencé ce travail. C’est ensemble que nous devons avancer.
Il est vrai qu’en cette période de fêtes, nous voudrions tous croire au Père Noël et penser qu’il suffirait d’adhérer au SEDIF pour obtenir la possibilité de réfléchir concrètement et sereinement à un changement de mode de gestion de l’eau.
On sait que le SEDIF est l’outil dont se sont dotées les collectivités publiques il y a bientôt 100 ans, et que de ce fait, le SEDIF c’est nous.
Nous voudrions juste rappeler ici quelques faits sur le fonctionnement et l’organisation « démocratique » du SEDIF :
– La durée de mandat de son Président est impressionnante : 33 ans ! Monsieur Santini était déjà président que le mur de Berlin n’était pas encore tombé!
– Lorsqu’une ville est membre du SEDIF, elle ne peut en sortir à sa demande : c’est quasiment mission impossible puisqu’il faut l’autorisation des deux tiers des villes adhérentes. En 95 ans aucune ville n’a jamais pu sortir du SEDIF dans ces conditions.
– Nous n’avons jamais vu les vice-présidents ou les élus délégués discuter avec leur commune et les habitants, de la pertinence ou pas des décisions sur les investissements, sur la préservation de la ressource ou tout autre choix avant de les voter.
Nous n’allons pas nous étendre ici sur les choix discutables et coûteux du SEDIF et de Véolia sur la potabilisation de l’eau, les investissements et sa distribution, au risque de perdre un grand nombre d’entre vous, mais nous sommes prêts à répondre point par point à toutes vos questions techniques sur ces sujets.
Nous n’allons pas non plus épiloguer concernant Véolia, sur les jugements pour empoisonnement, corruption politique, enrichissements illicites, infractions à la loi sur les coupures d’eau. Et dernièrement, au travers de trois contrats douteux avec le syndicat des eaux usées de la région parisienne : mises en examen, au point que le Préfet de notre région vient de saisir la justice.
On nous dit qu’il vaut mieux rester au SEDIF pour pouvoir peser de l’intérieur.
Nous n’avons pas vu ces élus, chantres de la démocratie au sein du SEDIF, remettre en cause les statuts sur les modalités de sortie du SEDIF ou sur la durée de mandat du président.
Nous ne les avons pas vus non plus refuser ou protester contre le vote imposé à bulletin secret qui permit à des élus de gauche, dans l’isoloir, de tourner le dos à leurs valeurs et engagements. Ce « vote de la honte », comme l’écrit l’élu du T12 Jacques Perreux, ne peut et ne doit être effacé des mémoires. Dans quelle enceinte vote-t-on à bulletin secret, en dehors des votes pour des candidatures ? Certainement pas dans une assemblée démocratique.
Alors, les mêmes causes ayant les mêmes effets nous ne voyons pas comment il pourrait en être autrement demain, sauf à considérer que le père Noël existe.
Nous avons pris connaissance de la convention qui vous est proposée.
Nous n’allons pas nous y étendre longuement, mais quand même : La convention a pour objet d’organiser les relations entre les 3 EPT et le SEDIF pour les deux prochaines années dans deux domaines différents, l’opérationnel et le prospectif.
La partie sur le domaine opérationnel est nécessaire et doit être établie le plus tôt possible pour organiser la continuité du service public de l’eau. Elle ne nous pose, a priori, pas de problème.
Il en va autrement des articles sur la partie prospective qui ne revêt aucun caractère d’urgence et pour laquelle vous pourriez décider d’un report.
Pour nous, sous couvert d’organiser au plus vite l’aspect opérationnel, l’objet principal de la convention vise en réalité à restreindre autant que possible l’autonomie des EPT dans l’exercice de leur compétence eau. Au lieu de considérer les EPT et le SEDIF comme partenaires sur un pied d’égalité, les EPT seraient soumis au bon vouloir du SEDIF. Loin d’être conduites par un comité de pilotage associant les citoyens usagers, les études sont corsetées par le SEDIF qui dicte ses conditions dans cette convention.
Enfin, se pose la question des personnes qualifiées, citées en annexe 1. C’est, en réalité, est un problème politique. En effet, ce n’est pas sans étonnement que nous avons découvert que les personnes qualifiées pour Stains et Saint-Denis étaient Mesdames Karina Kellner et Kola Abela. Devons-nous rappeler ici qu’elles sont les seules ou presque à s’être opposées au vœu présenté par leur maire, dans leur conseil municipal respectif ? Nous ne pensons pas qu’elles puissent porter un projet avec lequel elles sont en désaccord.
En résumé, cette convention est clairement déséquilibrée, avec tous les devoirs pour les EPT, tous les droits pour le SEDIF. Pour ce qui nous concerne, nous proposons une convention alternative qui doit pouvoir faire consensus en reprenant exclusivement les dispositions décrivant les modalités de la continuité opérationnelle du service public de l’eau.
Venons-en au moratoire.
Le vote pour le moratoire n’est pas un vote pour ou contre le SEDIF, ni même un vote pour ou contre la régie publique de l’eau, mais un vote pour le droit de réfléchir au mode de gestion de l’eau le meilleur pour les habitants. Ce droit de réfléchir, vous avez le devoir de le préserver. Nul ne saurait vous le reprocher.
Ce moratoire c’est du temps pour réfléchir, du temps pour envisager d’autres hypothèses, explorer d’autres modèles, éventuellement mettre au point des alternatives sociales, écologiques et citoyennes à la gestion déléguée à Veolia et ça, ça n’a rien d’idéologique.
Il est important de noter que dans les villes qui ont décidé de faire bénéficier leurs habitants de ce moratoire, il y a eu des débats citoyens et/ou des délibérations des conseils municipaux et que dans les autres, la décision a été prise en tout petit comité.
Sur notre territoire, et ce sur quoi vous devez vous prononcer ce soir, trois hommes, trois maires décident d’exclure du moratoire 144 000 personnes, sans en avoir débattu avec elles. Nous sommes en droit de nous poser la question d’une telle décision. En fait ce choix est tellement incompréhensible, anti démocratique que toutes les spéculations sont ouvertes.
Monsieur Chevreau, Monsieur Delannoy, Monsieur Poux, prenez-vous vos concitoyens pour des incapables, puisqu’il serait inutile de les faire participer à cette décision ? Vous nous dites qu’il vaut mieux être dedans pour faire bouger les lignes et veiller au bon fonctionnement démocratique du SEDIF, mais il nous semble que, même sans être adhérents au SEDIF, vous continuerez à y siéger ?
Monsieur Chevreau, Monsieur Delannoy, Monsieur Poux, voulez-vous vraiment condamner vos concitoyennes et vos concitoyens à se faire plumer à perpétuité par Véolia ?
Mesdames et Messieurs les conseillers territoriaux, quelle conception auriez-vous de la démocratie pour vous autoriser à prendre une décision qui empêcherait 35% des habitants de notre territoire de bénéficier des mêmes droits et des mêmes opportunités que le reste de la population ? Ce serait une absence de démocratie. Nulle part, sur aucun territoire nous n’avons vu des habitants s’opposer spontanément à ce moratoire. En revanche, nous voyons ici des habitants s’opposer au choix de leur maire.
Devons-nous rappeler qu’en plus, sur Saint-Ouen et Epinay, aux dernières législatives, les citoyennes et les citoyens ont élu un député qui avait mis la régie publique de l’eau dans son programme ? La moindre des choses serait de leur permettre de bénéficier de ce moratoire pour qu’ils puissent choisir en toutes connaissance de cause.
Mesdames et Messieurs les Conseillers territoriaux, nous sommes ici pour vous dire qu’aujourd’hui vous êtes face à un enjeu politique et démocratique majeur qui va engager l’avenir de tous les habitants du territoire. Que vous êtes face à une décision qui peut condamner 35% des habitants qui ne comprendront pas qu’au nom d’un accord politique sur la coopérative de villes, vous les aurez empêchés ce soir, sans les en avertir et sans les avoir écoutés, de bénéficier de ce moratoire obtenu grâce un formidable mouvement populaire avec des élus courageux.
Nous sommes là et nous vous regardons, et vous porterez une lourde responsabilité si ce soir vous votez ce rapport sur un sujet qui engage vos villes au-delà de vos propres mandats.
Pour les motifs que nous venons de vous exposer, les collectifs Eau publique de Plaine Commune sont résolument et sans aucune hésitation opposés à la convention et à l’adhésion partielle de Plaine Commune pour les trois villes.
Nous vous demandons de ne pas voter le rapport en l’état, de décider de son report et de prendre le temps du débat public. »
Le collectif eau..